samedi 8 janvier 2011

Llyod




Il était une fois, dans un Londres rongé par la crasse et la peste. Un Londres où les rats arrachaient les maigres chairs des cadavres putréfiés et abandonnés un peu partout dans la ville, ce même Londres où le jeune médecin que nous allons suivre, erre dans la nuit profonde afin de se débarrasser des visions des miséreux attendant la mort.
Une petite fille apparue devant le jeune homme. Elle semblait faible, mais tenait tant bien même debout. Ses cheveux blonds virevoltant dans l’air putride et morbide de la nuit, la petite fille avança doucement devant lui. « Tu devrais rentrer chez toi, lui lança froidement l’homme, ‘m’enfin, si tu as toujours un chez toi, continua-t-il à mi-voix» La petite fille semblait alors ne pas comprendre, ou ne pas avoir entendu le conseil qu’on lui avait donné. « Tant pis pour elle » se dit alors notre jeune médecin avant de continuer son chemin. Il passait alors près d’elle, dépassant la petite et la laissa derrière lui. Mais au moment où la fillette était la plus proche de lui, il put voir son visage et il constatait alors qu’elle était d’une blancheur cadavérique. « Où habites-tu ? Tu m’entends au moins ? » Il prit son pouls au cas où, et pu constater qu’elle était très mal en point, proche de la mort. Ecoutant alors son bon sens et sa raison, il prit la fille dans ses bras et la porta au plus vite jusqu'à son cabinet.

Une fois les premiers soins administrés à sa jeune patiente, le jeune homme s’endormit sur la chaise à bascule qui était près du lit…

Et ce fut une petite voix qui le réveilla, «Où... suis-je ? ». L’ainé sursauta et lui répondit alors qu’elle était en sécurité et qu’elle n’avait rien à craindre de lui. « Tu es mon grand frère alors ? » répliqua faiblement la fillette, quand son interlocuteur lui répondit que ce n’était pas le cas, la petite fondit alors en larmes, après une grimace et un juron, il décida d’essayer de la calmer. « Je m’appelle Llyod, je suis médecin. Tu va devoir rester ici avec moi quelques temps pour te remettre de ta maladie. J’irais chercher tes parents quand tu iras mieux… » Et alors qu’il s’apprêtait à ajouter autre chose, la petite, entre deux sanglots, lui dit « Il y a une semaine, des gens sont venus les emmener pendant leur sommeil. Je ne voulais pas, mais ils m’ont dit d’être sage et de rester chez moi … » Llyod lui dit de dormir et qu’ils verraient ça ensemble quand elle aurait repris d’avantage de forces. Alors qu’il s’apprêtait à aller se préparer un café, la petite lui dit dans un souffle «Je m’appelle Faith ».

Dans ces circonstances, tomber sur une gamine qui s’appelle Foi est quelque chose d’assez insolite, vous vous doutez bien.

Deux mois passèrent alors, et la petite Faith était toujours avec Llyod. Elle le suivait comme son ombre, le prenant pour son grand frère de substitution. « Pourquoi reste tu avec moi ? Il y a tellement d’autres endroits où tu serais mieux choyée qu’ici.» Mais la petite restait toujours et encore. Llyod ne le disait pas, mais cette compagnie lui était devenue agréable et il avait maintenant quelqu’un avec qui converser quand il était chez lui…

Mais ce qu’il ne disait pas à Faith, c’était qu’il n’était plus médecin. En effet, il avait été renvoyé après avoir déserté l’équipe de secours pour pouvoir s’occuper de sa petite protégée. Et à présent, pour pouvoir vivre, il faisait de son mieux, difficilement. Impossible de gagner plus qu’un crouton en mendiant, étant jeune et beau, il lui arrivait de vendre son corps à de vieilles baronnes riches et seules, et même à des hommes, vils et pervers la majorité du temps. En dehors de ces échanges de bons procédés, Llyod aimait jouer, et parier le peu d’argent qu’il avait, espérant gagner bien plus que sa mise. Le problème était que Llyod ne savait pas s’arrêter, et un jour…

Oh, que ce jour fut sombre pour Llyod. Si sombre, le destin avait été si cruel avec lui ce soir là. Une impasse. Le trou noir. « Je met en jeu…Une fillette de dix ans. » Il pleurait, oh oui, il pleurait. Ses larmes, si chaudes et amères. Il voyait le visage de la fillette, il la revoyait rire, et pleurer. Il la revoyait blanche et cadavérique comme au premier jour. Son adversaire avait émis de l’intérêt pour elle dès le départ. Il n’avait guère le choix que de la lui céder. Une somme d’argent faramineuse qui lui permettrait de vivre pour un moment, mais à quoi bon vivre si c’est pour vivre seul ? Mais cela faisait des mois et des mois qu’il croulait sous les dettes, et ses autres gagnes pains n’était pas suffisants pour les payer…

De plus, l’homme n’avait pas une tête de bon père de famille qui prendrait soin de la petite Faith. Et c’est après avoir clos la partie, que Llyod appris que cet homme était un gérant de cirque et qu’il recherchait de nouvelles bêtes de foires. « Vous êtes médecin ? Ca tombe bien on va dire car... J’aurais besoin de votre aide. » Llyod, les yeux dans le néant n’écoutait même plus ce que lui disait l’autre homme. Montant dans la diligence garée près du bar où ils avaient joué, Llyod allait vers le cirque, nouvelle maison de Faith, pour régler les dernières modalités. « Ne faites donc pas cette tête, ce n’est pas comme si je vous avais forcé …» le gérant du cirque eu un sourire maléfique et repris sa marche.

Arrivés près d’une cage recouverte d’un rideau, Llyod demanda ce que la cage renfermait. Le rideau se tira alors, et il put voir, un garçonnet, d’une maigreur horrifiante et avec des marques de coups sur le corps. Malgré tout ceci, son visage était familier pour Llyod. « Tu dois te demander où tu aurais pu voir ce visage ? C’est le frère jumeau de la petite que tu as recueillie. Je l’ai trouvé dans une maison abandonnée, inconscient, presque mort. » Il laissa le rideau retomber sur la cage et sortit un croquis fait à la va vite de sa veste crasseuse. En voyant le dessin, Llyod pu facilement deviner les plans de l’homme. « Vous êtes fou. Je refuse catégoriquement de réaliser une telle opération. Vous êtes un monstre. » Llyod était indigné, mais il reprit avec un ton coléreux « Des siamois ? Vous réalisez un peu la souffrance que ces deux enfants vont devoir endurer ?! » L’homme le regarda alors en le snobant « De toute façon, vous ne pouvez refuser maintenant. Je vous laisse une dernière journée avec elle, nous viendrons la chercher demain. Mais attention, ne pensez même pas à vous échapper. Nous aurons l’œil…» Il rangea le dessin dans sa poche, et regarda Llyod de façon amusée et disparu dans le chapiteau sombre.

Une fois arrivé chez lui, Llyod couru vers Faith, et la pris dans ses bras, sans rien lui dire. Il lui embrassa le front, et lui demanda de le laisser seul. La rage se déversait dans ses veines, soumis à la force presque malsaine de l’argent, et déchiré par l’amour qu’il portait à cette petite fille qu’il chérissait comme sa seule famille depuis quelques mois. Il était obligé de réaliser cette horreur, il le ferait, jusqu’au bout.

Tirant de dernières forces dans son désespoir, il se mit à genoux et les mains serrées aussi fort qu’il pouvait sur son chapelet et pria. Les larmes dévalant son visage creusé par la fatigue et la misère, Llyod priait alors, pendant deux heures durant, jusqu'à ce que Faith vienne le voir, le visage encore bouffi par le sommeil. « Grand frère, j’ai fait un cauchemar… » Ses yeux bleus, brillants de larmes étaient posés sur le jeune homme abattu. Ce dernier se leva, et pris la fillette dans ses bras en la serrant fort contre lui. Il la reborda dans son lit, et s’allongea à ses côtés. Il attendit qu’elle dorme, puis avant de sombrer lui-même dans le néant du sommeil, il chuchotât en un souffle « Bonne nuit Faith, et s’il te plait, ne m’en veut pas. »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire